L’écriture inclusive parvient à s’infiltrer çà et là, hélas ! Heureusement, des écrivains, des linguistes, des intellectuels et des personnalités de milieux divers se saisissent de leur plume pour argumenter contre cette bizarre invention égalitariste.  Voici un début de florilège.  

Benoît Duteurtre, écrivain, essayiste et musicologue : 
« Car l’écriture prétendument ‹ inclusive › témoigne en réalité d’un grand mépris pour les Français et francophones qui, partout dans le monde, ont en commun une langue forgée par les siècles, avec ses conventions et ses traditions visant la clarté de l’expression. Elle lui substitue une mécanique bizarre, sans principes rigoureux, compliquant inutilement la phrase. 

Pis encore, cette écriture insensée peut se lire… mais pas se dire à voix haute, avec ses points et ses tirets ! Détachée de la parole, elle exclut beaucoup plus qu’elle n’inclut, à seule fin d’entretenir une illusion d’égalité par le graphisme. Hantés dans leurs cauchemars par le fameux ‹ le masculin l’emporte sur le féminin ›, ses promoteurs ignorent la beauté particulière du ‹ neutre › français, inclus dans le masculin, qui tend à élever certaines activités ou fonctions. La grande musicienne Germaine Tailleferre aimait ainsi à se dire ‹ compositeur › plutôt que ‹ compositrice ›, trop réducteur à ses yeux parce qu’il n’y avait, selon elle, qu’un seul et même genre chez les artistes ! » 

« Sous prétexte de progrès, c’est une régression vers un langage enfantin et une sorte de patois séparant la République française de la langue française pratique et universelle. On en oublierait presque que celle-ci s’étend à travers le monde avec des centaines de millions de locuteurs. Ils n’ont aucun besoin des furieux doctrinaires qui, au nom de leurs obsessions, manipulent notre façon de nous exprimer et notre capacité même de dialoguer. » 

« L’écriture exclusive », Carte blanche parue dans l’hebdomadaire Marianne, 19 au 25 mars 2021. 

Mathieu Bock-Côté, sociologue et chroniqueur québécois : 
« L’écriture inclusive, pour sa part, entend moins assurer la visibilité du féminin dans la langue française, ce qui va de soi et s’inscrit dans le mouvement de son évolution naturelle, qu’elle n’entend prendre le contrôle du langage idéologiquement en lui refusant sa part de mystère et son génie. Les tenants du politiquement correct supposent que la langue est absolument transparente, et qu’on peut la déconstruire et la reconstruire au gré de nos désirs politiques en suivant les consignes de l’ingénierie linguistique. La maîtrise absolue du langage et de ses codes donne l’impression de la maîtrise absolue de la pensée. C’est un fantasme de toute-puissance quasi totalitaire qui s’exprime par là et qui ne tolère aucunement la dissidence, dans laquelle on ne veut voir qu’un résidu du passé. L’écriture inclusive veut vider la langue française de ses charmes, de ses nuances et des mots qui ne se laissent pas enrégimenter dans son combat. Faut-il être surpris ? Il suffit aujourd’hui de défendre la grammaire et le dictionnaire pour être classé parmi les conservateurs. On devrait s’en faire un honneur. » 

« Écriture inclusive : l’idéologisation du langage fait déjà des ravages au Québec », Champs libres, Le Figaro, 27 novembre 2017. 

Extraits réunis par Patricia Philipps